La société des Amis de Louis Le Guennec, cercle d’études quimpérois dont je fais partie, vient de publier un très beau livre consacré au poète méconnu Jean Le Roy, intitulé “Jean Le Roy, de Quimper aux tranchées. Itinéraire d’un poète oublié”. Né à Quimper en 1894 dans une famille protestante, Jean Le Roy, féru d’art et de poésie, ami de Jean Cocteau, est mort au champ d’Honneur en 1918.
Sa biographie a été établie par Jean-François Douguet, ses poèmes dispersés ont été réunis et commentés par Alain Le Grand-Vélin, et sa correspondance a été dépouillée par Yvon Le Douget. Le livre est disponible au prix de 20€ dans quelques librairies :
Librairie Ravy à Quimper
Espace culturel Leclerc, Quai 29 à Pleuven
Librairie Guillemot à Pont-L’Abbé
Espace culturel Leclerc Quimper
et sous peu à Dialogues, à Brest
et par correspondance, sur le site http://amisleguennec.wix.com/amisleguennec
La présentation publique du livre aura lieu Chez Max, à Quimper, le vendredi 20 mars de 18 h à 19 heures. Des poèmes de Jean Le Roy seront lus à cette occasion par notre ami poète Louis Bertholom.
Cet article sur un site dédié à la justice et la criminalité peut surprendre le lecteur ! Et encore… Poésie et crime peuvent se côtoyer, et je n’en veux pour preuve que ce poème de jeunesse de Jean Le Roy (1913), intitulé Une servante aima d’amour son maître.
Cela se passait il y a des jours
et des jours, des années et des années,
des siècles et des siècles.
C’était même sur une autre planète
peut-être.
Une servante aima d’amour
son maître.
Un soir, il lui dit : venez m’habiller
car je vais aller chez ma chère aimée.
Elle m’a promis son coeur et son corps
pour la nuit prochaine. Venez m’habiller.
La tendre servante prit les aromates,
les fards et les graisses,
les poudres brunes, rouges et violettes
et dévêtit son maître.
Elle sema sur le corps tant aimé
et tant désiré
de la poudre brune pour le faire plus mâle.
Et dans les cheveux, la servante pâle
mit les poudres d’or et les aromates.
Les poudres d’argent violet et mauve
assombrirent les paupières si lourdes
et dessus les deux lèvres écarlates
elle mit les fards et les graisses rouges.
Les lèvres semblaient deux fruits sublunaires
sous le doux feuillage crépusculaire
des poudres d’argent violet et mauve !
Pour vêtir le maître,
des robes de serge
obscures et amples !
Pour vêtir le maître
la ceinture molle
autour de la robe
lourde obscure et ample.
Et lorsque le maître fut habillé,
il descendit par un grand escalier,
un grand escalier lumineux et blanc
en large spirale, comme l’éternité,
un grand escalier lumineux et blanc.
A la centième marche, la fille tendre
égorgea son maître avec un couteau.
Puis elle étreignit le corps tant aimé
et tant désiré.
Les lèvres restaient rouges et vivantes
ainsi que deux fruits sous le noir feuillage
des cheveux poudrés remplis d’aromates.
La tendre servante y passa la nuit …
égarée d’amour,
enivrée de voir
que de par son art
les lèvres restaient rouges et vivantes,
le corps teint de brun ne blêmissait pas,
que des cheveux pleins de parfums de plantes,
ne s’exhalait pas
l’odeur du trépas.